Iguéret haRamban
Lettre du Ramban (Na’hmanide) à son fils qui se trouvait en Catalogne.
« Ecoute mon fils les remontrances de ton père, et ne délaisse pas les instructions de ta mère (Michlei 1,8) : prend l’habitude de toujours parler posément à chacun, en toute circonstances : tu éviteras ainsi la colère car c’est un défaut particulièrement grave, auquel succombent les hommes. Or, disent nos Sages z’l (Nédarim 22) : « Toutes sortes de maux (guehinom) ont prise sur celui qui s’emporte », car il est : « dit chasse la colère de ton cœur et éloigne le malheur de ta personne » (Qohéleth 11,10). Et qu’appelle-t-on « malheur » ?
Ce sont les souffrances de l’enfer puisqu’il est dit : « Et le mécréant lui aussi, au jour du malheur » (Michlei 22,4). Lorsque tu te seras débarrassé de la colère, tu t’appliqueras à acquérir la modestie, qui est la meilleure d’entre toutes les qualités, car il est dit : « La crainte de D.ieu est le fruit de l’humilité » (Idem). C’est donc grâce à la modestie que tu acquerras la crainte de D. puisque sans cesse, tu te rappelleras d’où tu viens et où tu finiras par aller, que tu n’es qu’un insecte et qu’une vermine tant que tu es vivant et à plus forte raison quand tu seras mort, et devant qui tu devra finalement rendre des comptes, devant le Roi tout puissant, comme il est dit : « Le ciel et tous les cieux ne sauraient Te contenir » (Mel.1,8,27) -à plus forte raison le cœur humain ne le peut-il pas- et : « Est-ce que je ne remplis pas le ciel et la terre ? déclare D. » (Yir 23,24).
C’est en méditant toutes ces pensées que tu viendras à craindre ton Créateur et à fuir le pêché car ce sont ces vertus qui te permettrons de d’apprécier ton lot. Lorsque tu auras appris à te laisser guider par la modestie, que tu te conduiras avec humilité envers tous et que tu redouteras les hommes et les fautes, l’esprit de D rayonnera sur toi et tu mériteras la vie dans le monde futur
A présent mon fils, il faut que tu te pénètre bien de l’idée que celui qui conçoit l’orgueil et se sent supérieur à autrui, se révolte en fait contre le règne de D en s’attribuant un apparat réservé à Lui seul, comme il est dit « D règne, Il est revêtu de majesté » (Téhilim 93,1). D’ailleurs de quoi l’homme pourrait-il s’enorgueillir ? De sa richesse ? « C’est D qui appauvrit et qui accorde la richesse » (Chem I. 2,7) De sa gloire ? Celle-ci n’appartient-elle pas à D seul, puisqu’il est dit « De Toi émanent richesse et honneur » (Divrei hayamim I 29,12). Comment pourrait-on dès lors se vanter d’une qualité qui revient à D ? De sa sagesse ? « Il enlève la parole aux orateurs éprouvés et ôte le jugement aux vieillards » (Michlei 12,20). On voit bien que tout ceci ne fait aucune différence pour D, car Il humilie dans Son courroux les arrogants et dans Sa bienveillance, Il élève les humbles : fais-toi donc humble, D te relèvera. Je vais donc t »expliquer comment tu dois te conduire pour acquérir l’humilité dans chacun de tes actes. Exprimes-toi toujours avec retenue, baisse la tête, garde les yeux fixés au sol et le cœur tourné vers les cieux. Ne regarde jamais ton interlocuteur droit dans les yeux ; n’importe qui doit te sembler plus important que toi ! Si c’est sage ou un riche honore le. Si c’est un miséreux et que tu es plus sage ou plus riche que lui convaincs-toi que tu as plus torts que lui e qu’il possède plus de mérités que toi, et que les fautes qu’il commet sont dues à l’ignorance alors toi tu les fait en connaissance de cause. Rends-toi bien compte, dans toutes tes paroles, tous tes actes et toutes tes pensées, à tout moment, que tu te tiens, en cet instant même, devant les Haqadosh Baroukh Hou, et que Sa Chekhinah est au dessus de toi, car Sa gloire remplit l’univers : tes paroles seront donc empreintes d’humilité et de respect, comme celles d’un serviteur qui se tient auprès de son maître ; sache donc rester humble devant tous, et si on t’interpelle, ne réponds pas à voix trop haute, mais doucement, comme le ferait un esclave devant son maître. Veille particulièrement à étudier la Torah afin de pouvoir l’accomplir, et quand tu auras achevé l’étude d’un texte, tu t’appliqueras à y trouver ce que tu peux en accomplir. Examine tes actes matin et soir : tu consacreras ainsi ton existence à te repentir. Détache ton cœur des pensées de ce monde pendant la prière, et prépares-toi lorsque tu te tiens devant D. : purifie tes pensées et réfléchis au sens des mots que tu prononces avant qu’ils ne franchissent le seuil de tes lèvres. Agis toujours ainsi, à tout propos, tous les jours de ta vaine existence, et tu ne succomberas pas au pêché. C’est ainsi que tu assureras la rectitude de tes paroles ainsi que de tes actes et de tes pensées ; ta prière sera pure, nette et claire : c’est à D. qu’elle s’adressera et Il l’agréera. Comme il est dit : « Tu affermis leur cœur, Tu leur prêtes l’oreille » (Téhilim 10,17)
Lis cette lettre une fois dans la semaine au moins, afin de l’accomplir et de suivre ses conseils pour te laisser guider par D. constamment, afin de réussir dans tout ce que tu entreprendras et de mériter le monde futur réservé aux justes. Oukhol yom chetiqra’ènah ya’anoukha min hachamayim ka’acher ya’aléh al libékha lichol ad olam. Amèn Selah